Editorial du Journal Asé Pléré Annou Lité n°383 - Octobre 2018
Dans le numéro 271 de notre journal APAL, paru au mois de décembre 2006, nous avons publié un article, dont le titre était « A propos de la cohésion nationale », dans lequel étaient définis trois niveaux du processus de cohésion nationale du peuple martiniquais.
Voici, en résumé, un rappel de ce que nous disions à ce sujet :
« En premier lieu, se trouve la cohésion d’opposition, c’est la manière dont un groupe resserre ses liens sous l’effet d’une menace qui remet en cause son existence ; cette cohésion résulte d’un facteur externe. Comme illustration on peut penser à la levée de boucliers qui s’est manifestée lorsque Nicolas Sarkozy avait proposé de donner force de loi à un texte parlant de « colonisation positive ». On a vu une quantité impressionnante de personnes, avec ensemble, se mettre debout pour dire qu’elles n’étaient pas d’accord.
Il y a ensuite la cohésion d’identification ; elle désigne la manière dont les individus se reconnaissent positivement à travers une identité propre, autour d’un ensemble culturel, qui comprend aussi bien les manières de vivre que les œuvres spirituelles, patrimoniales, littéraires, artistiques. Il s’agit donc d’une attitude qui augmente la cohésion, car elle concerne quasiment toutes les composantes de la société, les institutions, les associations, les individus.
La cohésion d’identification comprend aussi les démarches pour préserver le cadre naturel de vie, le patrimoine naturel (forêts, mangrove, littoral, etc.), qui expriment une volonté d’habiter d’une manière originale le monde.
Et il y a enfin la notion de cohésion de résolution qui, elle, s’exprime à travers la perspective d’un projet de vivre ensemble, ce qui suppose la mise en œuvre d’une capacité de surmonter les différences, les divergences et les contradictions qui sont inhérentes à l’existence de tout groupe social. »
Et nous disions en conclusion : « De tout cela, il ressort que la cohésion nationale et un certain consensus politique, malgré toutes les difficultés et les freins qui peuvent s’y opposer, demeurent les conditions fondamentales pour la résolution de nos problèmes ». Et de fait, nous devons noter que durant ces dernières années, nous avons pu assister à un progrès de ces différents niveaux de la cohésion nationale, en dépit de ce que pourraient laisser penser les confrontations et les contradictions, qui n’ont pas manqué de se manifester sur le plan politique. Il se trouve, en effet, que de toutes parts, se sont développées des démarches allant dans le sens de l’approfondissement de l’identité culturelle, à travers la connaissance historique, la pratique de ces deux éléments fondamentaux que sont le bèlè et le créole, la protection de la nature et de l’environnement. Sans oublier le fait que de nombreuses initiatives ont vu le jour pour élaborer des réponses en termes de production pour l’autoconsommation, et de prévention sur le plan de la santé.
C’est en ce sens que nous saluons avec satisfaction, l’émergence des démarches mettant en avant les couleurs rouge-vert-noir, et revendiquant comme symbole de l’identité martiniquaise, le drapeau historiquement élaboré et défendu par les patriotes et les souverainistes martiniquais. Nous considérons là qu’il s’agit d’une nouvelle avancée décisive pour notre peuple, qui doit affronter la complexité des contradictions historiques à travers lesquelles il s’est constitué. C’est pour cela que nous revendiquons ensemble la symbolique du drapeau rouge-vert-noir, pour continuer de tracer le chemin de l’émancipation du peuple martiniquais.